L’EDD, un antidote au gaspillage


Marco Geronimi Stoll durant l'entretien à Bellinzona

Qu'est-ce que j'achète ? Pourquoi ? Quels éléments influencent mes achats ? Comment l’école peut-elle aider à consommer de manière responsable ? La revue de pratiques EDD ventuno consacre son dernier numéro au thème « Marché et valeurs ». Marco Geronimi Stoll, ancien publicitaire et fondateur du réseau smarketing.it, y décortique notamment les subtilités de la publicité et du marketing. Il rappelle que les compétences EDD sont des antidotes à un modèle économique basé sur le gaspillage.

Quelles sont les valeurs qui sous-tendent nos décisions d’achat aujourd’hui ?
Les placards ou le frigo sont remplis d’aliments qu’on n’utilisera pas et qui finiront à la poubelle. Ce n’est pas tant la valeur de l’objet qui est en question, mais la dévalorisation du consommateur. Une personne heureuse n’a pas besoin d’acheter autant de produits. La publicité le sait. Par conséquent, elle aura tendance à nous rendre insatisfaits en suggérant que nous ne sommes pas assez jeunes, pas assez beaux, pas assez sportifs, pas assez sexy, pas assez charismatiques... Lorsque nous ressentons un petit vide à combler, acheter quelque chose réconforte.

La publicité influence nos décisions et façonne nos besoins.  En sommes-nous conscient-e-s ?
Nous pensons tous que la publicité ne nous influence pas. Pourtant, elle détermine presque toutes les décisions d’achat. Si je me rends dans une épicerie de quartier, j’achète du pain, des haricots et deux pommes. Si je vais dans un supermarché, j’en prends dix fois plus, sous l’influence des marques montrées à la télévision. En ligne, j’achète 20 fois plus, étant séduit par des messages soigneusement personnalisés. Au final, je dépense nettement moins dans l’épicerie de quartier, car j’achète uniquement ce dont j’ai besoin.
 

« Ce n’est pas tant la valeur de l’objet qui est en question, mais la dévalorisation du consommateur. »

 
Quels sont les modes de consommation alternatifs dont un-e enseignant-e pourrait s’inspirer pour aborder la question à l’école ?
Nous échangeons des jouets et des magazines. Nous encourageons les groupes d’achat solidaires ainsi que le partage des moyens de transport et des outils. La communauté est plus forte que l’individu. L’école est également une communauté. Elle remplit deux fonctions importantes : fournir aux enfants une approche critique du marketing et renforcer les valeurs authentiques qui ne sont pas commerciales.

Ces compétences peuvent-elles être renforcées à l’école ?
L’école se trouve en concurrence avec le marketing. Je n’utilise pas le mot concurrence au hasard : celle-ci génère l’estime de soi, l’identité, le sens critique, le goût esthétique, l’empathie, la synesthésie, la créativité. Elle réfrène le faux soi, l’apparence, le narcissisme frustré, l’isolement. Elle entre donc en conflit avec le consumérisme, diminue l’anesthésie et les stéréotypes.

Les principes et compétences EDD sont-ils pertinents pour aborder les questions liées au marché ?
Pour moi, l’EDD est tout simplement de l’éducation : si vous n’allez pas vers la durabilité, ce n’est pas de l’éducation. Ces compétences sont des antidotes, des antivirus à un modèle économique basé sur le gaspillage qui fait vieillir la planète prématurément.

Interview complète dans la revue ventuno