Service Learning : une méthode pour l’EDD

 Texte: Dre Isabelle Bosset, avec le soutien de Noah Stucky

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Comment l’école peut préparer les élèves aux métamorphoses du travail : l’exemple du Service Learning

Dans le salon d’une habitante d’une commune près de Saint-Gall, un élève pousse une charrette remplie de sacs de terre. Il est sur le point d’installer un « jardin vertical » sur son balcon, dans le cadre d’un Service Learning initié pendant la pandémie. Ce type de projet, qui combine service à la communauté et apprentissage, prépare les jeunes aux enjeux protéiformes de leur vie professionnelle et citoyenne.

Travail et vie professionnelle : les forces à l’œuvre

Le travail remplit des fonctions essentielles : subvention à nos besoins, intégration sociale, sentiment d’appartenance. Il se métamorphose au gré d’évolutions politiques, sociales et culturelles : Trente Glorieuses et plein emploi, flexibilisation et précarisation, globalisation et digitalisation, etc. Récemment, la crise du COVID-19 a fait émerger de nouvelles tendances : travail à distance, (re)valorisation de certains métiers, recherche renouvelée du sens du travail.

En sus, toujours plus visibles et palpables, les urgences écologiques (réchauffement climatique, appauvrissement de la biosphère, etc.) et sociales (inégalités croissantes, guerre, etc.) poussent à des transformations profondes de nos sociétés auxquelles le travail n’échappe pas. Elles questionnent nos styles de vie et nos valeurs, en particulier nos modes de consommation et de production.

Quel impact ces défis globaux ont-ils sur le travail et la vie professionnelle ?

On observe des menaces et des opportunités. D’une part, on nous met en garde contre les effets délétères de ces urgences sur le travail : pertes d’emploi, interruption des activités, dégradation des conditions de travail, migrations forcées (Frequently Asked Questions on Climate Change, 2015). D’autre part, certains domaines professionnels bénéficient de marges de manœuvre pour mitiger ces effets : énergie, agriculture, architecture, transports, finance, etc. (IPCC, 2022).

Pour faire face à ces changements, les futur.e.s profesionnel.le.s et citoyen.ne.s ont besoin de connaissances et compétences spécifiques et d’occasions pour grandir en tant qu’êtres moraux (Öhman & Östman, 2019). Elles et ils devront s’adapter, mais également s’engager pour créer de nouvelles manières de travailler et de vivre.

Quel peut être le rôle de l’école dans ce contexte ?

L’école poursuit diverses finalités. D’une part, elle doit faciliter l’insertion professionnelle et sociale des jeunes. D’autre part, et en ligne avec l’éducation en vue d’un développement durable (EDD), elle doit leur permettre de devenir des citoyen.ne.s dans un monde complexe. Par-dessus tout, elle doit contribuer à leur épanouissement.

Pour remplir ces missions ambitieuses, l’école est invitée à se réinventer, notamment par le biais des méthodes pédagogiques, un levier pour développer les compétences chez les élèves, l’enseignement et l’institution. Le Service Learning (SL) est une méthode où les élèves s’emparent d’un problème de la société civile avec l’aide d’acteurs extérieurs à l’école. Ce problème est traité en classe et fait l’objet d’une réflexion, qui constitue le lien entre les contenus scolaires et l’engagement social. Dans le cadre de l’EDD, le SL sera orienté vers des problématiques de durabilité.

Ce qu’il faut pour la mise en œuvre du SL

Six facteurs sont nécessaires :
1.    Besoin réel : identifier un vrai besoin de la communauté, qui soit perçu comme porteur de sens par tou.te.s.
2.    Lien au curriculum : insérer le SL dans la grille horaire et le rattacher aux objectifs d’apprentissage du plan d’études.
3.    Réflexion : penser les expériences de la pratique en mettant l’accent sur les liens entre l’écologie, la société et l’économie ; les attentes et les préjugés ; les émotions et les besoins ; les résultats et les apprentissages.
4.    Participation des élèves : impliquer activement tou.te.s les élèves dans le SL, y compris dans leur processus d’apprentissage, que l’enseignant.e facilite et soutient.
5.    Engagement à l’extérieur de l’école : communiquer, planifier et coordonner avec des personnes de différents milieux socio-culturels, pour se confronter à l’altérité.
6.    Reconnaissance et clôture : rendre visible les résultats et l’engagement des élèves liés au projet SL tout au long du processus par le biais de feedbacks et d’un événement de clôture.

Les effets positifs du SL

Le SL permet aux élèves de connaître le tissu associatif et économique de leur communauté, d’y découvrir d’éventuelles opportunités professionnelles, voire d’y construire un premier réseau. Ces éléments participent de leur construction identitaire et forgent un sens d’appartenance (Kensler & Uline, 2017). Le SL favorise la prise de responsabilité, la coopération, le leadership, la participation et la pensée systémique, des compétences sociales et citoyennes nécessaires pour s’orienter et trouver sa place de citoyen.ne et de professionnelle dans un monde en pleine transition. Enfin, et pas des moindres, le SL encourage une réflexion sur les valeurs grâce à la confrontation avec la « vraie vie ». Par-dessus tout, le SL peut nourrir l’envie de s’engager en montrant qu’il est possible de faire changer les choses (Backhaus-Maul & Jahr, 2021 ; Molderez & Fonseca, 2018).

Pour les enseignant.e.s, le SL a l’avantage d’ancrer les connaissances curriculaires de manière plus profonde et durable et de (re)donner du sens à leur enseignement. Par les partenariats qu’elle développe, l’école est amenée à s’ouvrir, ce qui peut participer à imaginer une vision d’école basée sur des principes durables et démocratiques, et à insuffler un vent nouveau à la culture institutionnelle.

Conclusion

Imaginer des solutions, collaborer, se confronter à la réalité et questionner ses valeurs. Autant d’éléments qui font du SL une méthode particulièrement intéressante dans un contexte professionnel, mais aussi citoyen, culturel, social et économique en profonde mutation.

Bibliographie

Backhaus-Maul, H. & Jahr, D. (2021). Service Learning. (T. Schmohl & P. Thorsten, Hrsg.), Handbuch Transdisziplinäre Didaktik (S. 289–299). transcript Verlag.

Blum, J., Fritz, M., Taigel, J., Singer-Brodowski, M., Schmitt, M. & Wanner, M. (2021).

Transformatives Lernen durch Engagement – Soziale Innovationen als Impulsgeber für Umweltbildung und Bildung für nachhaltige Entwicklung. Umweltbundesamt.

Frequently Asked Questions on Climate Change and Jobs. (2015, 27 mai). Consulté le 13 octobre 2022.

IPCC. (2022). Climate Change 2022 : Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press, Cambridge, UK and New York, NY, USA.

Kensler, L. A. W. & Uline, C. L. (2017). Leadership for Green Schools : Sustainability for Our Children, Our Communities, and Our Planet. Taylor & Francis.

Molderez, I. & Fonseca, E. (2018). The efficacy of real-world experiences and service learning for fostering competences for sustainable development in higher education. Journal of Cleaner Production, 172, 4397–4410.

Öhman, J. & Östman, L. (2019). The ethical tendency typology. Dans Sustainable Development Teaching (p. 8392). Routledge.

Servicelearning – Lernen durch Engagement. (s. d.). Consulté le 13 octobre 2022.

Umweltbundesamt, eigene Darstellung erstellt nach Seifert, Zentner, Nagy (2012). (s. d.).
 

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