Matières premières et production

 

Cet approfondissement thématique fait partie du dossier pédagogique "oui, allo ?"
 

Les thèmes suivants le complètent :

 

Pour chaque chapitre traité, les principaux aspects abordés sont mis en évidence :
société , environnement , économie et les deux dimensions : spatiale (ici et dans d'autres pays) et temporelle (passé, présent et futur).
 

Matériaux

Les matériaux d’un smartphone   

Les appareils électroniques sont omniprésents dans notre vie quotidienne. Les machines à laver le linge, les téléviseurs, les ordinateurs, les téléphones portables, les consoles de jeux vidéo, les systèmes de navigation par satellite, les drones, … la liste de ces dispositifs pourrait s’allonger indéfiniment. Mais de quels composants et de quelles matières premières sont-ils faits ? Où se trouvent les matériaux qui les composent ? Essayons de le savoir en analysant la fabrication d’un téléphone portable.

Bien qu’il en existe différents types, le démontage des téléphones portables révèle qu’ils sont composés des mêmes éléments : écran, corps, batterie, matériel électronique (processeurs, mémoires, etc.), éléments de communication avec d’autres appareils électroniques et avec l’internet (Bluetooth, Wi-Fi, 4G/5G), système de prise de photos et d’enregistrement de vidéos, système audio d’enregistrement et de reproduction du son. Ces composants sont constitués de différents matériaux qui peuvent varier selon les modèles. Un aperçu indicatif est donné ici :
 

  • 56 % de matières plastiques : boîtier, clavier, circuit imprimé;
  • 25% de métaux : conducteurs, composants électroniques et mécaniques;
  • 16% de verre et de céramique : écran, composants en céramique;
  • 3% de matériaux divers : cristaux liquides, matériau ignifuge.

 
Source : Magazine Swisscom

 

Voyons de plus près le cas des métaux

 

Ces métaux, à leur tour, sont composés de plus de 60 matières premières. Deux chercheurs de l’Université de Plymouth (Royaume-Uni), les géologues Arjan Dijkstra et Colin Wilkins, ont pulvérisé un smartphone pour analyser sa teneur en matières premières. On y trouve généralement du cuivre (15 %), du silicium (8-15 %), de l’aluminium (4-9 %) et du fer (3 %), ce qui constitue le plus grand pourcentage de métaux dans un téléphone portable. Les autres substances sont de l’ordre de 1 %, voire moins. L’appareil utilisé pour le test contenait 33 grammes de fer, 13 grammes de silicium et 7 grammes de chrome, ainsi que de plus petites quantités de plusieurs autres métaux et lanthanides (des métaux blancs argentés fortement électropositifs, appelés « terres rares »), dont 900 milligrammes (mg) de tungstène, 160 de néodyme, 90 d’argent, 70 de cobalt et de molybdène, 36 d’or et 30 de praséodyme. En d’autres termes, en ce qui concerne la concentration, un téléphone possède 100 fois plus d’or – ou 10 fois plus de tungstène – que n’importe quelle autre source minérale que les experts définissent comme étant de « haute qualité ». Si l’on évalue la toxicité des téléphones portables, ce sont les métaux lourds avec leurs alliages et composés qui prédominent, pouvant contenir des traces de cadmium, plomb, lithium, nickel, zinc, arsenic et béryllium.

Les téléphones portables peuvent être considérés comme de véritables « dévoreurs » de matières premières minérales, dont sont extraits les métaux nécessaires à leur production ! Si la quantité de métal nécessaire à la fabrication d’un seul appareil n’a rien d’alarmant, les chiffres deviennent faramineux si l’on multiplie ce nombre par les milliards de téléphones mobiles vendus au cours des 20 dernières années.

Pour en savoir plus sur les métaux et les « terres rares », veuillez consulter le site de l’Institut des terres rares et des métaux.

Certains métaux sont rares et précieux

 

Dans le monde, 5,6 milliards de personnes disposent d’un téléphone mobile – selon le rapport sur la mobilité d’Ericsson (2019) –, tandis que 7,9 milliards de cartes SIM sont en circulation, un nombre qui dépasse celui de la population mondiale. Cet écart est dû en grande partie au fait que certaines personnes possèdent plusieurs cartes SIM et à l’existence d’abonnements inactifs. Globalement, 70 % des téléphones mobiles dans le monde sont des smartphones, tandis que les 30 % restants sont d’anciens modèles qui ne se connectent pas à l’internet.

Cependant, le volume des ventes mondiales de téléphones mobiles a atteint 1,37 milliard d’unités en 2019, en baisse constante depuis 2018, alors que l’on attend une reprise pour 2021, à la faveur du déploiement croissant de la 5G !  A titre d’exemple, la fabrication des 1,8 milliard de téléphones portables vendus dans le monde en 2011 a nécessité 16 000 tonnes de cuivre, 6800 tonnes de cobalt et 43 tonnes d’or !

Cela montre que pour fabriquer un seul téléphone, il faut extraire de la terre au moins 10 à 15 kg de minerai et au prix d’un dur labeur (et avec de lourds procédés chimiques, qui ont un impact sur l’environnement), dont pas moins de 7 kg du minerai brut dont on extrait l’or, 1 kg pour extraire le cuivre, 750 g pour le tungstène et 200 g pour le nickel. L’extraction de certains de ces matériaux consomme une grande quantité d’énergie et implique des transports sur de longues distances. Qui plus est, ceux-ci deviennent de plus en plus précieux et rares, précisément à cause de l’importante demande d’appareils électroniques.

  
Production

Les labyrinthes de la production

Les appareils électroniques, très répandus, sont de plus en plus utilisés dans notre vie quotidienne. Pour les fabriquer, il faut environ 60 types de matériaux différents, dont des métaux rares ou précieux tels que le lithium, le tantale, le nickel et l’or. Les personnes qui bénéficient de ces moyens technologiques sont mal informées sur l’origine et les conditions de travail inhumaines dans lesquelles ces précieux minéraux sont extraits de la terre.

Où sont produits les téléphones portables vendus en Suisse ?

A cette question, Samsung, Huawei, Xiaomi et Apple ne donnent pas de réponses exhaustives. L’organisation des fabricants de téléphones mobiles est entourée de secrets bien gardés par les grandes marques du secteur ; par conséquent, les informations sur la production ne sont pas faciles à trouver.

Découvrez l’histoire des différents smartphones :


Source: ZDNet. Ventes de smartphones dans le monde

Comme le montre le cas de Huawei, de nombreuses technologies et les composants utilisés dans les smartphones d’aujourd’hui peuvent provenir de différentes parties du monde. La fabrication d’un téléphone mobile est un processus complexe : seulement 50 % des pièces qui composent l’appareil sont élaborées directement par les entreprises qui vendent le produit fini. L’autre moitié est assurée par de nombreux fournisseurs et sous-traitants ayant des succursales dans différents pays.

Où sont produits certains des éléments qui composent un téléphone portable : les écrans viennent de Corée du Sud chez des fournisseurs comme LG et Samsung et de Chine pour BOE, les batteries viennent de Chine, et même des concurrents, tels qu’Apple, s’approvisionnent en batteries auprès de fabricants chinois. Et TSMC, le plus grand fournisseur de puces – un circuit électronique miniaturisé qui constitue le cœur de l’appareil – est basé à Taïwan.
 

Les marchés asiatiques

Selon les chiffres fournis par « Counterpoint Research », en 2019 il s’est vendu plus de smartphones en Inde qu’aux États-Unis. Dans le sous-continent indien, l’augmentation des ventes a atteint 7 %, ce qui équivaut à 158 millions de téléphones vendus. Cela fait de l’Inde le deuxième plus grand marché au monde pour les smartphones, devant les États-Unis et derrière la Chine, qui est sur la plus haute marche du podium grâce aux performances en constante augmentation de géants de l’industrie tels que Xiaomi et Huawei.

Mais ce n’est pas tout, l’Inde a imposé sur les produits importés des droits très élevés – qui disparaissent lorsque ces mêmes produits sont fabriqués dans le pays. Ainsi, assembler les nouveaux iPhones en Inde, par exemple, c’est aussi supprimer une taxe douanière de 22 % sur le prix final du produit, soit plus d’un cinquième pour des appareils dont le prix peut aller bien au-delà de mille francs en Suisse.
 

Changement de cap

Dans le secteur technologique, les normes se sont beaucoup améliorées, tant à l’initiative des entreprises qu’en raison de la pression constante des écologistes : l’époque des conditions de vie tragiques dans les usines chinoises de Shenzhen est révolue depuis longtemps. Cependant, le recours à une main-d’œuvre non qualifiée à très grande échelle pour l’assemblage final des produits est loin d’être terminé. Malgré les millions d’euros investis pour tenter d’automatiser cette étape du processus de production, Apple a constaté que l’opérateur humain est infiniment meilleur et plus rapide que n’importe quel système robotisé.

L’Inde, à la suite de la Chine et à l’instar du Brésil, veut employer des centaines de milliers de personnes et protéger son économie. Ainsi, Apple s’appuie de plus en plus sur le sous-continent indien grâce aux concessions tarifaires, mais aussi en raison des contraintes de production en Chine dues aux tensions commerciales et, last but not least, parce que le coût de la main-d’œuvre rend prohibitive l’option consistant à ouvrir des usines d’assemblage aux États-Unis. De même, Samsung a arrêté la production de smartphones en Chine en 2020, comme l’a annoncé la société elle-même, probablement en raison du succès croissant des concurrents locaux, en particulier Huawei et Xiaomi. La part de marché chinoise de la marque sud-coréenne est en effet tombée à 1 % au cours du premier trimestre 2020, alors qu’à la mi-2013 elle était de 15 %. Aucun détail n’a été donné sur la taille de l’usine qui a fermé et le nombre d’employé-e-s concerné-e-s. La production se poursuit à plein régime en Inde et au Vietnam, où elle a commencé à se développer ces dernières années.
 

 

 

Fabrication

Fabrication       

L’extraction des métaux utilisés dans la construction des smartphones est concentrée dans dix pays seulement, d’où sont extraits plus de 70 % du volume mondial. À elle seule, la Chine extrait environ 24 % du total des minerais, auxquels s’ajoutent 58 % provenant d’autres pays asiatiques et 5,4 % d’Afrique. Parmi ceux-ci, 2 % (en 2016) ont été exploités dans des pays à faible revenu pour lesquels l’exploitation minière et les activités connexes représentent une importante source potentielle de recettes.

Cependant, force est de constater que dans la plupart des cas, les pays en développement ne parviennent pas à tirer profit de leur richesse potentielle : au contraire, ils sont frappés par des problèmes sociaux, environnementaux et économiques majeurs. Les revenus générés par cette industrie ne contribuent généralement pas à améliorer les conditions de vie de la population. L’absence de lois qui protègent les travailleurs, la corruption qui règne dans les gouvernements et l’exploitation par les grandes entreprises génèrent des situations de misère. Au lieu de bénéficier des richesses de leur terre, les populations locales subissent les conséquences désastreuses de l’exploitation des matières premières.

Pour découvrir quelques caractéristiques des métaux suivants : tantale, cobalt, étain, titane, cuivre, platine, pétrole et or

Cliquez ici

 
En conclusion, on peut dire que les pays pauvres possèdent et fournissent à l’économie mondiale des matériaux importants, alors que paradoxalement cette richesse naturelle n’améliore pas les conditions de vie des populations locales. Ainsi, derrière nos dispositifs technologiques se cachent des histoires d’exploitation et de souffrance, où le dur labeur s’accompagne de problèmes de santé et de la destruction de l’environnement naturel.

 

L’exemple des mines de cobalt

Le cobalt utilisé dans la production de batteries provient majoritairement de la République démocratique du Congo (RDC), qui serait à l’origine de 60 % de l’extraction mondiale de ce minéral. Ces dernières années, en raison de la production croissante de voitures électriques, la demande mondiale est passée de 90 000 à 127 000 tonnes entre 2016 et 2019 et devrait atteindre 185 000 tonnes en 2023. Un marché en expansion : la Banque mondiale estime que la demande de cobalt augmentera de 585 % d’ici 2050.


Source: TV5Monde. RD Congo : le cobalt, l’or bleu qui ne profite pas aux Congolais.

Le système minier de la RDC a traditionnellement été dominé par les « mineurs artisanaux » ou « creuseurs » qui extraient la roche contenant du cobalt à mains nues et, au mieux, avec des outils primitifs et sans aucune protection. On estime que, jusqu’en 2007, ce secteur faisait vivre environ 20 % de la population (ce qui correspond à 12,5 millions de personnes). Au cours de la dernière décennie, cependant, les creuseurs ont perdu de leur importance, notamment à la suite de l’accord de 2008 avec la Chine, qui a ouvert la voie à la domination actuelle du marché par les entreprises chinoises. Aujourd’hui, on estime qu’environ 250 000 Congolais-e-s, dont de nombreux enfants, travaillent dans les mines. Or, seule une petite partie de ces personnes sont officiellement employées par les grandes compagnies minières et peuvent compter sur des équipements et des conditions de travail adéquates tels qu’une couverture d’assurance, un salaire régulier, la disponibilité d’eau potable ou une infirmerie sur place.

L’exploitation minière a également des effets négatifs considérables sur la santé humaine et sur l’environnement. Afin d’exploiter à ciel ouvert les métaux rares que contiennent nos téléphones portables, il est nécessaire de déplacer de grandes quantités de terre pour atteindre les couches rocheuses les plus productives. A cela s’ajoutent l’accumulation de déchets et l’utilisation, pour séparer les métaux des roches, de substances hautement toxiques telles que le cyanure et le plomb. Ces produits chimiques pénètrent dans le sol et contaminent les sources d’eau utilisées par la population. Cette situation a des répercussions importantes sur les populations locales qui, si elles n’abandonnent pas ces terres, tombent malades, ne peuvent plus continuer à travailler, et perdent leurs sources normales de revenus.
 

 

 

Sources

Les sources, pour aller plus loin

Le tableau périodique des éléments
Le tableau périodique des éléments peut être consulté pour en savoir plus sur les matières premières. Cette version du tableau comprend différentes versions, dont un certain nombre d'activités ludiques pour vous aider à mieux le connaître.

Le marché des smartphones en Inde est le deuxième au monde : il dépasse celui des États-Unis.
Selon les chiffres fournis par « Counterpoint Research », il s'est vendu plus de smartphones en Inde en 2019 qu'aux États-Unis. L'augmentation des ventes en Inde a été de 7%, soit 158 millions de téléphones vendus. Lire l'article complet de siecledigital.fr (26.01.2020) ou l'article de notebookcheck.biz (11.08.2020).

Ce que nous mettons dans nos poches avec nos smartphones 
Les smartphones et, en général, les cartes des appareils électroniques contiennent également des métaux rares et précieux : des matériaux pour lesquels les guerres et la violence sont alimentées dans de nombreux pays du monde et qui sont souvent récupérés (à partir de déchets) dans des conditions inhumaines dans d'autres pays. Lire l'article complet dans Reporterre (10.09.2019)

Développement du marché des smartphones
Selon le dernier rapport sur la mobilité publié par Ericsson en novembre 2020, il y avait environ 7,9 milliards de connexions mobiles dans le monde au troisième trimestre 2020. D'ici 2026, ce nombre devrait atteindre 8,8 milliards. Lire l'article complet de la Commission fédérale de la communication (ComCom, 08.06.2021)

Le secteur des matières premières en Suisse : évaluation de la situation et perspectives
Le secteur des matières premières, et en particulier les sociétés commerciales qui sont également actives dans l'extraction de matières premières, est encore confronté à de nombreux défis liés au respect des droits de l'homme, à la mobilisation des ressources locales pour le financement du développement et à la protection de l'environnement. Le Conseil fédéral attend de tous les acteurs de la place économique suisse qu'ils se comportent de manière intègre et responsable. Lire le rapport du Conseil fédéral (30.11.2018)

Que font les négociants suisses de cobalt pour lutter contre le travail des enfants ?
Glencore et Trafigura, deux sociétés basées en Suisse et spécialisées dans le négoce des matières premières, adoptent des approches différentes pour améliorer la situation des petits mineurs au Congo. Les ONG sont sceptiques. Lire l'article de swissinfo (03.05.2020)

L'or caché du smartphone
Cuivre, or, lithium : chaque smartphone est une mine de matières premières les plus diverses. Nous vous montrons où ils peuvent être trouvés. Découvrez-le en lisant l'article (Swisscom, 14.09.2019).

Indice de perception de la corruption 2020
L'indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International mesure la perception de la corruption dans le secteur public et la politique dans de nombreux pays du monde. Elle se base pour cela sur l'avis d'expert·e·s et attribue une note allant de 0, pour les pays considérés comme très corrompus, à 100, pour les pays "propres". La méthodologie change chaque année afin de fournir une image de plus en plus fiable des réalités locales. Consultez la carte du monde et découvrez l'IPC des différents pays.

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Part du marché mondial des smartphones (en anglais)
Graphiques représentant la part de marché mondial des smartphones par trimestre (de 2018 à 2021) pour les principaux OEM (Original Equipment Manufacturers). Les expéditions mondiales de smartphones en parts de marché et en millions d'unités sont prises en compte. Voir les graphiques en ligne.

Un smartphone de Huawei a été créé dans tous ces pays (en allemand)
Les smartphones de Huawei contiennent beaucoup de technologies non chinoises. Remplacer tous les composants américains sera une tâche herculéenne. Lire la suite de cet article en allemand (Handelszeitung.ch, 13.06.2019).

Ce que nous mettons dans nos poches avec nos smartphones (en italien) 
Les smartphones et, en général, les cartes des appareils électroniques contiennent également des métaux rares et précieux : des matériaux pour lesquels les guerres et la violence sont alimentées dans de nombreux pays du monde et qui sont souvent récupérés (à partir de déchets) dans des conditions inhumaines dans d'autres pays. Lire l’article complet dans Focus economia (01.04.2019)